Chap. 2 - LES SYSTÈMES DE GRADUATION

SOMMAIRE:
Pour s'orienter dans l'espace, il faut dabord prendre conscience de la position des éléments de l'environnement par rapport à son propre corps, c'est-à-dire de ce qui est devant et derrière soi et aussi à notre gauche ou notre droite, ce qui définit une partition élémentaire en quatre quartiers.* 
Il faut ensuite orienter ce référentiel par rapport à un point fixe de l'environnement. Cela peut être le soleil à son zénith (indiquant le sud dans l'hémisphère nord), si l'on tient compte de son déplacement apparent et que l'on corrige à chaque instant l'information de position. La seule référence fixe immuable est cependant l'Etoile Polaire (et la Croix du Sud) dans la mesure où elle est visible. Les vents soufflant toujours dans la même direction sont aussi une référence possible.
Dès lors que l'on eut établi le lien entre la polarité magnétique du minerai appelé magnétite et le fait que les métaux magnétisés avaient tendance à s'orienter d'eux-mêmes sur un axe nord sud, le principe de la boussole était né.

* Nota : Ce découpage peut être affiné en divisant chacun des quartiers en deux (1/8e) et ainsi de suite pour obtenir le 1/16e, le 1/32e (y compris le 1/64e, analogie fortuite avec les 6400 millièmes d'artillerie de l'OTAN) de la circonférence (rose des vents, voir ci-dessous "le rhumb"). On retrouve ceci sur les anciens compas de marine et aussi sur les cartes (voir Points cardinaux).

Les explications sommaires données ci-après ne donnent qu'une description approximative. Pour avoir de plus amples détails et des explications plus scientifiques, consulter l'encyclopédie en ligne WIKIPEDIA.
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LES DIVERSES UNITÉS : RUMB, DEGRÉ, GRADE OU GON, MILLIÈME D'ARTILLERIE

LE RHUMB ou RUMB

Ce mot à l'étymologie incertaine (peut-être vient-il du mot rhombe car les points cardinaux étaient souvent reliés au centre par des gravures en forme de losanges allongés) désigne une ancienne subdivision du cercle appelée rose des vents. Elle était divisée en 32 aires de vents (voir POINTS CARDINAUX), chacune d'elle (le rhumb) valait donc (360/32 =) 11° 15'. Chaque rhumb lui-même divisé en deux, on obtient une graduation en 64 unités, chiffre que l'on retrouve presque à l'identique dans les millièmes d'artillerie (voir plus loin). On peut diviser le cercle avec encore plus de précision et en obtenir 128 "quarts de points" (voir dans la version anglaise de Wikipedia Points of the compass / Half- and quarter-points les 128 ordres de pilotage).
Transition vers la rose graduée en 360° : La conversion de ce système en degrés est assez difficile et source d'erreurs. Thomson a réalisé dès 1864 des roses de compas graduées en 360° au pourtour. L'amirauté britannique a imprimé dès 1912 sur ses cartes marines des roses des vents comportant une graduation externe en 360° orientée sur le nord vrai avec à l'intérieur deux graduations, l'une en quadrants (4 x 90°) et l'autre en rhumbs orientées sur le nord magnétique. L'Allemagne a décrété l'utilisation unique de compas gradués en 360° en 1941.


Rose des vents (site www.meridienne.org).
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RHUMBS et échelles non linéaires

On peut voir sur certaines cartes du 16e s. des roses des vents assorties de valeurs non linéaires comme par exemple : les points cardinaux Ouest et Est en face d'un zéro (ou de deux zéros pour le signe infini), Nord et Sud face à 17½, et entre les deux, les nombres 18, 19, 21, 25, 31½, 46 et 88. Il s'agit en fait de distances en lieues marines (1/20e de degré de la circonférence de la terre, soit 3 milles nautiques ou 5,5 km) que le navire doit franchir pour couvrir une distance équivalente à 1° de latitude en fonction l'axe de son trajet par rapport aux points cardinaux. Le nombre le plus petit (17½) correspond à la ligne directe (axe N-S). Le plus grand (88) correspond à un axe s'approchant de la ligne de longitude. De telles roses apparaissent dans le manuscrit Les premières oeuvres de Jacques Devaulx, un pilote et cartographe français (Le Havre, 1583, lien vers GALLICA). Edition facsimile commentée publiée sous le titre Nautical Works.
Image de dr.: Denis de Rotis, 1674, Carte de l'Atlantique nord, source Gallica 


Photo de g. J. Eichhorn : peinture sur un mur dans l'aéroport de Macao -  Cliquer sur les photos pour les agrandir.

LE DEGRÉ

Le degré est la plus connue des divisions du cercle. Il correspond à 1/360e de la circonférence. L'astronome grec Ptolémée l'utilisa le premier sans doute dans son ouvrage sur le cosmos appelé Almageste. Ce chiffre correspond grosso modo au nombre de jours de l'année solaire (365,25), connu depuis la préhistoire dans plusieurs civilisations par la simple observation du mouvement apparent du soleil sur l'horizon. Il est pratique pour représenter les cercles et faire des calculs mathématiques car il est aussi divisible par quatre (angles droits etc.). Une subdivision particulière de la circonférence en quatre quadrants de 90° a longtemps été en usage, tant sur les grosses boussoles de géomètres et d'arpenteurs que sur les petites boussoles de gousset. On y indique une direction en nombre de degrés à partir du zéro le plus proche en précisant la direction. Exemple: 190° se dit : 10° S-S-O.

Disque flottant d'une boussole de gousset, milieu du 19e s.
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LE GRADE ou GON

Le grade est l'application logique du système métrique à la division du cercle : l'angle droit est découpé en 100 grades, unité également appelée gon (angle en grec) et qui correspond grossièrement à 9/10e de degré. Les boussoles utilisant ce principe sont donc divisées en 400 grades. Ce système est utilisé en France depuis la Révolution pour les travaux de géodésie*. Certaines boussoles de fabrication étrangère appliquent aussi ce système (voir d'autres exemples dans la catégorie Boussoles de topographie). Le grade était réglementaire dans l'Armée Française depuis 1921 (Bulletin Officiel du 11 septembre 1921).
* En 1899, des essais à la mer ont été faits avec des compas, des cartes etc. gradués en système décimal (voir Revue du Cercle Militaire n° 21, p. 551 - éd. du 27 mai 1889).


Portion du limbe d'une boussole type Mle 1922 montrant la graduation 0 = 400
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HEURES

Les boussoles de mineurs, tant françaises qu'allemandes et autrichiennes, ont été graduées jusque vers le milieu du 19e s. en 24 heures ou aussi en deux fois 12 heures et en latin (lien vers photo), et plus tard de pair avec une graduation en 360 degrés (exemples : BREITHAUPT, ROSPINI, ROST, STUDER).
- Description : lire l'article Platteau (p. 213-214) dans L'art d'exploiter les mines de charbon de terre, M. MORAND, 1768, accessible en ligne sur le site de la BnF Gallica.
Photo de dr. : gravure extraite de Du Charbon de Terre et de ses Mines, Pl. VI
- On trouvera une autre description de boussoles encore plus anciennes dans l'article Boussoles des mines des XVIe et XVIIe siècles (notamment le paragr. au bas de la p. 620).
- Explication : " L'heure était l'unité de base des boussoles de mineur. Elle représente 1/24e de la circonférence, c'est-à-dire (360/24) 15 degrés. Elle était subdivisée jusqu'au 1/8e ou 1/16e. On pouvait donc combiner des fractions pour exprimer des mesures précises. Ce système fut remplacé par le degré sur les instruments utilisés dans l'industrie minière mais la division en deux fois 12 heures est restée en usage sur les boussoles de géologues * ".
* Texte extrait et adapté de l'ouvrage en allemand Lehrbuch der Markscheidekunst (Manuel d'enseignement des techniques de la mine), Brathuhn, 4e édition, Leipzig 1908.


Détail du limbe d'une boussole de mineur (18e s).

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LE MILLIÈME D'ARTILLERIE

6400 millièmes
Le millième est l'unité utilisée essentiellement dans le domaine militaire pour les instruments d'orientation et de pointage. Il sert à déterminer l'éloignement d’un objet. Le millième est l'angle sous lequel un objet de 1 mètre de côté apparaît à 1 kilomètre de distance. Son symbole officiel est la lettre 'm' barrée d’un trait oblique incliné à 30 degrés (). Le millième correspond au millième de radian. En clair, pour un cercle de 1000 m de rayon, la circonférence est égale à 2 π (pi, 3.1416) x 1000 = 6283 millièmes (millième vrai). Cependant, il a été décidé par convention pour simplifier les calculs, d'arrondir vers le haut et de prendre 2 pi = 6400 millièmes (millième ordinaire). C'est la solution adoptée par l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN). 
Voir l'article intitulé
Le compas dans l'œil dans la revue du cercle militaire n° 52 du 31 déc. 1899 expliquant le principe du pointage à l'aide de moyens de fortune (doigts de la main) et du millième, notamment la note en bas de page concernant le Comité d'Artillerie de 1898 (texte complet disponible sur demande).

Boussole d'artillerie allem.
(2e G.M.) au limbe gradué
en millièmes par pas de 10



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Table de conversion gravée au dos d'une boussole d'artillerie légère allemande (descr. : voir Topogr./Art., lettre X, Allem.)



En-tête des colonnes :
- Grad G = grade (gon) / %
- Strich (long tiret en exposant) = mill.
- Grad° = degré
Boussole de type
Modèle 1922

Table de conversion d'un Mle 1922, version Houlliot/Collignon 1933



Abréviations utilisées
(à droite des échelles):
- "D" pour degré,
- "G" pour grade (gon) et
- "M" pour millième.


5760 millièmes
D'anciennes boussoles d'artillerie allemandes présentent une division en 5760 millièmes (voir photo de droite). Ceci résulte de la division par deux du degré, puis de la division par deux du résultat etc. donc 1/4, 1/8ème, 1/16ème : 360 x 16 = 5760.
Exemples : GOERZ et ZEISS.

6000 millièmes
Les forces de l'ancien Pacte de Varsovie choisirent par contre d'arrondir vers le bas et prirent la valeur 6000 ce qui fait que leurs boussoles semblent être graduées comme des montres (exemples : voir FPM).
Cette unité était autrefois appelée en France millième Rimailho du nom d’Emile Rimailho, ingénieur et officier français, né à Paris en 1864 et mort à Pont-Erambourg (Calvados) en 1954. Celui-ci avait utilisé la subdivision en 6000 millièmes pour le canon 155 CTR (Court à Tir Rapide) qu’il développa en 1904 et qui fut l'ancêtre des canons antiaériens.

6300 millièmes
La Suède, pays neutre qui n'était aligné sur aucun des deux pactes, utilisait jusqu'il y a peu de temps encore, la valeur de 6300 (ex.: Bézard, LYTH, NIFE et SILVA ) mais son armée a désormais adopté le système à 6400 millièmes.
NOTA - Håkan Sahlin, cdt en retr. de l'artillerie suédoise nous a communiqué l'information suivante :
"  Les unités de topographies de l'armée suédoise utilisent des thédolites gradués en grades mais les observateurs en avant-poste et les pièces de batteries utilisent le millième suédois (6300 streck). "

Les boussoles utilisées dans les pays anglo-saxons portent l'indication MILS (voir la boussole BRUNTON M2 dans la catégorie Boussoles de topographie et d'artillerie).
Les vieilles boussoles allemandes avaient simplement une apostrophe (') ou un trait d'union long car le millième se dit Strich (trait), tout comme le symbole utilisé pour prime en language mathématique, ou encore un trait horizontal en place d'exposant.
Nota: Ce terme a un triple sens en allemand car il désigne aussi le rhumb employé en marine (11 degrés 15 min.).

Calcul des distances à l'aide des millièmes

La graduation de la rose en millièmes permet de calculer une distance sans qu'un élément ne soit connu. Le commandant (Major) autrichien Rudolf Gallinger qui avait bien connu l'inventeur Johann von Bézard pendant la Première Guerre mondiale, avait rédigé dans les années 1920-1930 plusieurs manuels destinés tant au "touriste" (voir définition) qu'au fantassin. Il y décrivait plusieurs méthodes d'utilisation de la boussole permettant de calculer l'éloignement d'un objectif.
Méthode 1 : on désire connaître la distance entre la position présente A et un objectif situé en c. On mesure d'abord en A l'angle formé par deux points marquants (a et b) repérables de part et d'autre de c, soit s = 91 millièmes dans l'exemple choisi. On rallie ensuite en direction de c un point B éloigné de A d'une distance connue (rapprochement Z, par exemple 100 m) et on y remesure l'angle que forment les deux points collatéraux de c (soit s1 = 99,2 millièmes). La formule arithmétique est la suivante :
Pour calculer l'éloignement X (c'est-à-dire la distance inconnue Bc), on multiplie la valeur du rapprochement Z (100 m) par l'angle s (91 mill.) et on divise le résultat par la différence d entre les deux angles (s1 - s =  8,2 mill.).
X = Z x s / d = 100 x 91 / 8,2 = 1100 m.
Il suffit ensuite de rajouter la distance AB (100 m) pour avoir la distance Ac (1200 m).
NOTA: on peut également procéder de manière inverse et s'éloigner de c en reculant. II faudra alors déduire la différence d du résultat.

La méthode 2 consiste à se déplacer latéralement d'une distance également déterminée sur une ligne perpendiculaire à l'axe Ac.



Certaines boussoles sont équipées d'une ou même de deux échelles de mesure, disposées à côté de fentes de visée généralement placées dans le couvercle rabattable (voir BÜCHI dans la catégorie Boussoles de Topographie et d'Artillerie et TELEOPTIK M49 et M53 dans la catégorie Boussoles à main ou de marche).
La boussole doit être tenue à hauteur de l'œil et à une distance donnée qui varie de 25 à 50 cm selon les marques. A cet effet, ces boussoles sont munies d'une cordelette dans laquelle un noeud est placé à la bonne distance. La visée s'effectue en tenant la boussole d'une main, corde tendue, et le noeud entre le pouce et l'index de l'autre main au niveau de l'œil.

Pour la boussole de type Universal Bézard-Kompass (UBK), un instrument spécial avait été créé : la règle de mesure (Messplatte). Il s'agissait d'une réglette composée de deux moitiés d'égale longueur (8 cm) articulée comme un compas. Elle était graduée en millièmes sur les 10 premiers centimètres et en cm pour le reste, ce qui donne 0-20-40-...-200-11-12...! (voir la photo). Elle était reliée à la boussole par une cordelette et devait être tenue à 50 cm de l'œil.
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LE NORD LAMBERT

Jean-Henri Lambert (Johann Heinrich Lambert en allemand et en anglais, Mulhouse 1728 - Berlin 1777) était un mathématicien et philosophe alsacien. Pour plus de détails voir Wikipédia. Son système de projection a été adopté au cours de la 1ère guerre mondiale par la France. Le musée possède deux objets qui se réfèrent au nord Lambert, un document et une boussole. L'un est la description de la boussole d'artillerie fabriquée par GAUMONT en 1926, l'autre la boussole DOIGNON qui indique N|L en face de la graduation zéro.

Extrait de la description de la boussole GAUMONT



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Exemple de pojection Lambert sur une carte d'État-Major


Fig. extraite du Recueil de résumés pour le brevet de la préparation militaire.

Définition selon le Grand Larousse Encyclopédique (1968)



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